Coup de Poing

Corrompus sur la croix, corrupteurs au Panthéon

Appolinaire GOLOU 27/09/2019 à 12:58

Ite missa est ! La messe est dite. Une dizaine d’arbitres de football officiant dans le championnat béninois lourdement sanctionnés. Piètrement prise, cette décision, source d’un schisme, oppose le public et les amoureux du cuir rond. Une partie applaudit et en fait chorus. L’autre aile la trouve sévère. Frappée d’iniquité et d’atrophie collective, elle secoue le landerneau du sport roi. Proportionnellement à la sanction pédagogique de la commission centrale des arbitres, certains ont écopé de 6 mois, d’autres d’un, voire 02 ans de suspension. « Et pourtant, ils se sont tus », pour paraphraser le célèbre auteur martiniquais Aimé Césaire. A tort ou à raison, ces arbitres sont restés de marbre malgré une si cruelle décision. Par obligation de réserve du fait de leur corps qui en impose certainement. Ou parce que la Fédération n’a mis en place, aucune instance supérieure, leur permettant de faire appel. Un all-in qui dénote d’une gestion à la petite semaine comme on en avait vu par le passé.
Toute proportion gardée, cette sanction repose beaucoup plus sur des aprioris. Elle est en porte à faux avec les bonnes intentions prêtées à la nouvelle équipe, bien qu’étant un vrai puzzle à trous, monté contre vents et marrées, au départ. « L’enfer est pavé de bonnes intentions », dit-on. On convient tous que ces arbitres ne sont pas innocents. Mais face aux défis de l’heure, la FBF n’a aucune raison de lâcher la proie pour l’ombre.
Pour dire vrai, le Comité exécutif aurait dû dans ce dossier, ménager la chèvre et le chou. De sorte à faire passer sa sanction tout au moins, au crible de ces trois principes fondamentaux de la justice que sont : la balance, le glaive et le bandeau. A fin qu’au moment de trancher, elle puisse jeter son glaive et démentir Honoré de Balzac qui disait que « les lois sont des toiles d’araignées à travers lesquelles passent les grosses mouches et où restent les petites ». Sans un minimum de garanties, la Fbf se découvre. A raison, on se demande s’il s’agit d’une décision collégiale ou si elle est prise par quelques membres ? En tout cas, le voile ainsi déchiré, il est clair que « quand il pleut à la Saint-Mathieu, il faut bien évidemment faire coucher ses bœufs et vaches ». Un proverbe qui marie avec l’attitude du bureau exécutif qui découvre des cadavres dans les placards des arbitres. Sans enquêtes préalables d’une chambre d’instruction ou Commission d’éthique (ndlr jamais installée au Bénin). Pourtant il parvient à conclure que certains arbitres reçoivent des pots-de-vin. De qui et à quel moment ? Plus d’inspecteurs sur les matchs du championnat à la phase retour, et comment en est-on arrivé à déceler des failles chez certains hommes en noir ? Selon des experts qui ont requis l’anonymat, « juridiquement », la décision ne repose sur aucune base. Une erreur de parallaxe qui certainement conduit à l’une des premières bêtises du bureau exécutif. « Pour grands que soient les rois, ils sont ce que nous sommes : ils peuvent se tromper comme les autres hommes », admet Pierre Corneille. Le cas du Togo qui fait école à Djassin (siège de la Fbf), selon un ancien arbitre qui a requis l’anonymat, est un mauvais exemple choisi. « C’est depuis la phase retour du championnat qu’on envoyait plus d’inspecteurs pour superviser les arbitres. Conséquences, à la cérémonie des oscars, tous les acteurs ont été distingués sauf eux. Du moment où ils ne sont plus notés, point de preuves techniques pour les sanctionner du point de vue compétence », fulmine-t-il. Pendant que les arbitres sont crucifiés, tous les autres acteurs (présidents de clubs, dirigeants à divers niveaux etc.), sont quant à eux, décorés et portés au panthéon. Ils sont en un mot des imputrescibles.
C’est comme par extraordinaire, on nous dit que les dirigeants du foot au Ghana n’avaient aucune part de responsabilité dans les faits de corruption sur fond de troc, qui ont coûté à l’ex-président de la Fédération ghanéenne de foot, Kwesi Nyantakyi, son fauteuil. Ahmed Husein, l’un des collaborateurs du journaliste d’investigations, Anas Aremeyaw de la BBC NEW Afrique dans le documentaire intitulé "Number 12", très explosif sorti en juin 2018, a pu piéger des dizaines d’arbitres ghanéens ainsi que des dirigeants qui ont une propension pour les pots-de-vin dans le milieu du foot. C’est dire que des preuves en béton ont été exhibées, ce qui n’est pas le cas du Bénin.
En effet dans une République sous la Rupture (vocable du pouvoir en place) où glaive en main, le nettoyeur de l’écurie d’Augias pourfende et décapite les délinquants en col blanc, on est à mille lieues de savoir qu’il en existe, des corrompus, ex-nihilo ? Alors que la loi sur la corruption et infractions connexes, en son Chapitre VIII article 58 alinéas 1et 2 ordonne qu’on punisse sévèrement celui qui reçoit des pots-de-vin pour une mission commandée et celui qui en propose.
L’abstention en cas de doute devrait être la meilleure option pour la Fbf dans ce dossier. Sinon, se référer à la sagesse du Roi Salomon, paraît la meilleure solution. Contrairement à l’assainissement du milieu des arbitres que prônent Mathurin de Chacus et ses pairs, cette sanction paraît démesurée. Étouffé visiblement par des affaires entre clubs qui ont failli éclabousser le championnat en fin de saison, le Comité exécutif avait besoin d’un Cheval de Troie pour s’offrir une virginité. Et, des lampistes ont été trouvés pour cette cure de jouvence : des arbitres. Mais, elle ne doit non plus ignorer que « tant va la cruche à l’eau qu’à la fin elle se brise. »




 
 

 
 
 

Autres publications que vous pourriez aimer





Dernières publications





Facebook